Sohen Luern

*Clac*
Touché à la patte gauche, le loup chuta en lâchant un glapissement, avant de dévaler la pente. Grattant misérablement la flèche qui lui fouillait les chairs, il tenta de se redresser, mais son membre blessé le brûlait atrocement. Néanmoins, au prix d'un effort colossal, il parvint à se retourner pour faire face à celui qui le traquait depuis le zénith.
L'humain l'avait surpris alors qu'il guettait une biche et son petit aux abords de la rivière, et depuis lors, n'avait cessé de le poursuivre. Au début certain de chasser l'étranger de la forêt où il régnait en maître, le loup avait vite connu une cruel désillusion: cet humain n'était pas comme les autres chasseurs qui avaient tenté de l'abattre, il se déplaçait plus vite, plus discrètement,  et semblait toujours là, au moment où l'animal croyait l'avoir semé.
Alors que l'archer, une flèche déjà encochée, et l'arc bandé, se préparait à achever sa proie, le regard de cette dernière se posa sur lui. Au fond des yeux noir et or, une lueur brûlait encore, et répétait inlassablement la même question: ''Pourquoi?''.
Les deux adversaire se figèrent, tandis que le temps s’écoulait autour d'eux. Puis, tout en laissant échapper un long soupir, le loup s'effondra, inconscient, ses dernières forces l'ayant abandonné. Sa proie était à terre, incapable de s'échapper, mais l'homme ne relâcha pas sa prise sur la corde. Puis, d'un geste rageur, il fit passer l'arc de bois sombre dans son dos, et s'approcha de l'animal évanoui.

Lorsque ce dernier se réveilla, plus aucune trace de l'archer. Sa patte avait été bandée avec soin, et il pouvait se déplacer, même si c'était en boitant. De plus, à quelques pas de sa position, se trouvait un petit tas de viande séchée, posée en évidence sur une souche. Même si il n'avait que vaguement conscience d'avoir échappé à la mort, l'animal hésita un instant, avant que la faim ne le pousse à s'approcher de cette manne, et à l'engloutir. Une fois rassasié, le loup se dirigea vers les profondeurs de la forêt, en un lieu où il pourrait récupérer ses forces en sécurité.

De l'autre coté du rideau forestier, l'archer avait assisté au départ de sa proie. Il s'adossa à un arbre tout en tournant et retournant la flèche encore ensanglantée entre ses doigts: et encore une proie qu'il laissait filer, alors que ses réserves étaient presque épuisées. En comptant ce qu'il avait laissé à l'animal, incapable de chasser à cause de sa patte, il lui restait en tout et pour tout de quoi tenir pendant trois jours, cinq en se rationnant. De plus, son arc ne tarderait pas à se briser, et il n'avait plus une seule flèche en bon état.
Il devait absolument faire ce qu'il avait en horreur: rejoindre la ''civilisation'', aussi bien pour reconstituer ses réserves , que pour réparer son équipement. Avec un soupir, il se mit en route vers le Sud....vers les grandes villes d'Elesis.

''Il y a un temps pour chaque chose sous le ciel''